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jacques cauda
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15 novembre 2011

Surfiguration

Il est six heures au clocher de l’église. J’entre. C’est la demeure de La Vierge sur Terre. Grandes lèvres de pierre, vagin de lumière. Toison dorée.  J’entre par le portail central au tympan duquel Elle trône en majesté. Cette église, c’est Sa maison, quand on y pénètre tous les verbes se mettent au présent, présent de l’indicatif et présent de soi : je me donne. Je ne m’appartiens plus. Je suis au cœur du gai savoir du vide. Léger. Le charbon de mon être passe à l’or, du noir à l’urine : je m’inonde ! Je ne m’aime plus, j’aime. Je dis quelques mots secrets à moi-même et en moi-même. Je m’arrête à la petite chapelle, je prie. Longuement. Puis, je sors au septentrion et je regarde encore une fois Ses perfections, sur les voussures du portail nord, le triomphe des sages sur les folles, et les douze figures de femmes qui ornent Son âme.

Au retour, c’est moi qui conduis. Vite. Les dents serrées, sans un mot. Au dernier feu (la ville et son église s’effacent derrière nous) j’ouvre la boîte à gants. Ils sont en cuir noir. Je les passe et j’accélère. À cette vitesse (je lis : 135) c’est vite la campagne, les champs de chaque côté d’une petite route à lacets, puis la forêt. La forêt ! Les pneus crissent. Je prends brutalement à droite un chemin de terre qui s’enfonce sous les arbres. J’y roule toujours avec vitalité, certes, mais dans la caresse et la splendeur des feuilles; et tandis que dans ma poitrine remonte ma prière, je dis d’une voix qui rabat tout d’un seul coup : «  Descends ! »

Elle est là debout impassible comme une borne, campant son opprobre sans frémir (elle s’innocente) quand j’arrache ses vêtements. Ne restent d’elle que sa chair, ses bas, ses perles et ses talons aiguille : elle est nue, elle triomphe. Je lui dis d’avancer là où il n’y a ni sentier ni rien, là où on touche la foison qui rampe sur la terre, là où le vert n’est qu’une ronce sans gazon. Va ! Elle vacille, toujours la tête haute (ses cheveux crochent aux  branches et ses jambes à l’épine). Elle vacille. La cravache à la main gantée, j’ajoute à sa tourmente, je frappe, vingt, trente fois, à chaque pas, chaque mètre, où elle menace à chaque coup de tomber. Je frappe en ordre de jouir ! (Elle est toute ma guerre). Je frappe jusqu’à l’arbre où je l’attache, les mains hautes (à la première branche qui surplombe sa tête), ses cheveux d’or qui coulent sur ses reins. Son ventre et ses seins collés à même le tronc. C’est là que j’entre en elle. Il est six heures trente.

6h30

 ©Jacques Cauda

 

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