© Jacques Cauda
Il ne m’est pas possible de rendre compte de chaque nouveau livre de ce diable d’homme qu’est Jacques Cauda, dont la production est abondante, mais il me plaît de replonger régulièrement dans l’univers de ce peintre ardent doublé d’un écrivain baroque découvert d’abord aux éditions Tinbad avec l’ouvrage Profession de foi.
Jacqueries, premier livre des Editions Associations libres situées à Corenc, en Isère, est une correspondance entamée avec Marie-Philippe Deloche, médecin-psychiatre et poétesse, également créatrice de ladite maison d’édition, à propos de leur histoire d’amour.
© Jacques Cauda
Enrichie des peintures de Jacques Cauda, comme à l’accoutumé volup-tueuses, provocatrices, hénaurmes, cette publication est un dialogue tendu, langue contre langue, entre mots et images, débondements et défis, traits et eaux, aveux et mystères.
Le grand Jacques donnera la liste de dix femmes avec qui l’amour fut inoubliable, rare, exceptionnel, Jacqueline quand il avait cinq ans, Elisabeth quand il en avait onze, etc.
Marie-Philippe la sage se livrera en contrepoint, ouvrira le livre de ses secrets, sera, en amie de l’autre Jacques, Lacan, à l’écoute du réel.
© Jacques Cauda
La vérité ? Oui, celle des fantasmes : « Michèle. Même âge qu’Elisabeth. 11 ans. Elle a les formes d’une jeune femme. Des seins en quantité et un cul magnifique. Elle couche avec les garçons qui ont 15/16/17 ans. Voire davantage. Elle habite la cité. Je l’aime. Je bande. Michèle. Du pain d’épices. Une peau de miel. Blonde métis aux yeux bleus, des cheveux ondulés (une crinière) jusqu’au milieu du dos. »
Lui hyperbolise, elle tempère.
Lui pense, mange et déglutit couleurs, formes, matières, elle découvre les vertiges et tourments du « désir du désir », avant que d’épouser un médecin « réactionnaire », de devenir oblat, puis amante de Paul-Emile : l’amour veut l’Un, mais le désir est multiple.
© Jacques Cauda
Lui envoie valser la moraline pour la douche de cyprine, elle imagine des scénarii, s’éprend de l’encre noire de l’enfant sauvage en y aimant la lumière.
Il rencontre des pierreuses, et s’éprend de Sophie, « la plus belle, la figure la plus voluptueuse, la peau la plus blanche et la plus douce (sa main) comme du satin. Le cul le plus potelé, procédant de l’expression qui deviendra mienne pour toujours : faite à peindre ! »
Marie-Philippe rêvant moins cinéma porno que douceur d’aimé, tout en souhaitant être objet de fantasme : « Je crains que cette lettre me fasse passer à tes yeux pour prude, tartufette, « mal baisée » en bref. »
© Jacques Cauda
Les souvenirs sont là, mais c’est l’écriture qui guide, invente, dévie, dévoile, sculpte.
Le confinement échauffe les âmes, les refroidit, exaspère, libère.
« Schefer, note Jacques Cauda dans une long éloge de la peinture du Gréco, avance que l’on ne regarde les tableaux que parce qu’ils explorent quelque chose de nous. »
Lit-on autrement cette correspondance ?
© Jacques Cauda
« Dehors, nous séchâmes comme un linge pendu au soleil. Il faisait si chaud que nous eûmes même l’impression que la pierre sous la pression de la lumière bouillonnante claquait comme un coup de fusil. »
C’est bien , non ?
Jacques Cauda et Marie-Philippe Deloche, Jacqueries, suivi de Carnets de voyage, Une fantaisie japonaise, préface de Jean-Paul Gavard-Perret, impression DEUXPONTS Manufacture d’Histoires à Bresson, Editions Associations libres (Corenc, 38), 2020, 106 pages
Se procurer Jacqueries – écrire à marifdeloche@gmail.com