SURFIGURATION

Le geste surfiguratif a pour ambition première de re-faire l'amour avec la peinture, avec le monde par la jouissance qui fait que la peinture est la peinture parce qu'elle donne à jouir. Peindre est à concevoir comme phénomène érotique et le peintre comme amant. "L'amant n'aime pas tant pour être que pour résister à ce qui annule l'être", écrit Jean-Luc Marion, et " l'amour ne dérive pas de l'ego mais le précède et le donne à lui-même." Bref, le peintre n'aime pas tant pour peindre que pour résister à ce qui annule la peinture, et qui la hait et le lui déclare, tel Marcel Duchamp à qui l'on doit: - Les toiles c'est laid. L'étoile aussi. - Chaque peinture doit exister d'abord dans l'esprit avant d'être peinte sur la toile, et on perd toujours quelque chose lorsque celle-ci est peinte. Je préfère voir mes peintures sans cette boue. - La peinture est morte. " Marcel Duchamp ne haïssait pas seulement la peinture et, d'une façon générale, tout ce qui l'avait précédé, il haïssait avec la plus grande indifférence, et donc avec la plus grande cruauté, tout ce qui de près ou de loin se rapportait à la jouissance et, plus particulièrement, à la jouissance féminine. Au vrai, il en avait peur, il en était littéralement terrorisé. Il savait que cette jouissance était la seule capable de rire et d'emporter son oeuvre de destruction. N'oubliez-pas que l'homme était un oisif. Pas un oisif de coeur qui aurait pris l'oisiveté comme on prend la tonsure, mais un oisif nécessiteux, un oisif que la paresse et le manque d'énergie ont, toute sa vie durant, contraint à l'oisiveté. Et vous avez-là une des clefs secrètes de Marcel Duchamp, vous avez là une des causes fondamentales de sa défiance envers la jouissance, et donc envers l'amour et, plus particulièrement encore, envers la possibilité même de l'amour. C'est que la jouissance féminine est une figure du commencement du monde, elle en est la persistance originaire. La jouissance féminine est cette débauche d'énergie formidable sans laquelle l'univers ne se soutiendrait pas..." Valentin Retz in Ligne de Risque n° 23. Et il y en a encore et beaucoup, aujourd'hui, pour crier: " Vivat Duchampus pontifex!', à l'instar des lansquenets qui, lors du sac de Rome (1527), transformèrent les églises en étables...