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3 avril 2025

Jacques Cauda au Salon International de l'Autre Livre

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Jacques Cauda au Salon International de l'Autre Livre

Avec les éditions ARDAVENA, SANS CRISPATION et LA BLEU-TURQUIN/DOURO/HACHETTE, les 4, 5 et 6 avril prochains !

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1 avril 2025

Proust

Extrait de À sauts et à gambades , éditions ARDAVENA
Extrait de À sauts et à gambades , éditions ARDAVENA

Extrait de À sauts et à gambades , éditions ARDAVENA

Proust                        

La première fois que Proust vint à moi, enfin comme Malherbe, vint frapper à ma bouche bée, ce fut à Londres. Jérusalem du crime. Ce jour-là j’allais me retrouver enfin. C’était par une belle soirée d’été. J’avais dix-sept ans pas sérieux. Quand ? En 1972. L’adolescence était à moi et je m’ennuyais en anglais qui n’était pas à ma main mais lointain (à plusieurs lunaisons), flou-brumeux du fameux soir de brume, j’étais voyou pour mes pensées qui s’obstinaient à raconter ma vie en français. Je songeai à mieux. J’achetai Proust. Au réveil, je dormais dans Hyde Park, à l’abri des Bobbies qui, loin d’être amoureux de mon sommeil, cherchaient les intrus comme moi à virer. Mais j’avais trouvé un corner où je pouvais m’écrouler sans risque dans le confort de mes cheveux. Au réveil donc, je murmurais son nom Marcel Proust et le titre qui justifiait à lui seul mon exil en terre anglaise : À l’ombre des jeunes filles en fleurs. J’y étais pour ça. Pour mourir d’amour dans l’opulence de leurs cuisses. Je lus. Elle était hollandaise. Je lus, je lisais. Et la baisais la nuit. Dans l’herbe du parc. À la brisure de ses reins. J’y mourais. « Rien n’est frivole comme les mourants » disait Proust qui l’écrivit avant de mourir : «L’incroiable  (sic) frivolité des mourants», une nuit du 17/18 novembre 1922 sur une enveloppe souillée par la tisane. Ici, par le foutre au creux du trou de ma palombe. Mon cœur se dilatait, irradié dans l’herbe à la recherche de la chambre perdue. À la recherche de cet « arôme irrespirable que depuis ma naissance exhalait pour moi toute chambre nouvelle. » Elle l’était et belle et blonde. Et peace and love. Elle fumait des trucs étranges qui sentaient un peu comme une odeur de sépulcre, une odeur que Cocteau associait à Proust, l’odeur charnelle d’une femme.  La cyprine. Elle fondait dans l’herbe. Une nuit je lui appliquais un mot de mon Marcel : funiculeur ! Je la pris par derrière. Ouverture pour une nuit de cris. Cris de Paris chez Proust. Cris de Londres pour moi. Elle ruisselait, se stupéfiait, sentait l’obscène, cette fleur du mal à l’ombre de laquelle poussait le datura.  Étrangement alors que je la sodomisais je songeais au verbe du commencement : vaginer ! À l’origine du monde. Mais sous influence, puisque Proust-Zohar. Sodome et Israël. Elle m’avait affirmé s’apparenter à la famille d’Anne Frank. Elle mentait. Je la crus. « Après tout qu’est-ce que ça fait que ce soit la vérité ou non puisqu’il arrive à me le faire croire » dit Charlus dans Le Temps retrouvé. Il arrive et elle vint…  J’éventrai les genres. J’étais Jack alias the Ripper ! Tueur à temps perdu.

Elle mentait terrible comme un mirage et j’étais captif mais volontaire de son mensonge. J’avais lu sur ses papiers qu’elle ne se prénommait pas Rebecca comme elle me l’avait annoncé. Mais peut-être avais-je mal compris ? Nous échangions dans un sabir anglo-français fait pour éveiller les sentiments mais aussi pour brouiller les significations. Les sens et le sens mêlés ! Qui balbutiaient mes lèvres avec bonheur ! En somme (théologique) elle ne mentait pas, elle se métamorphosait comme le grand-père juif de Proust (dans le Contre Sainte-Beuve) devient la tante Léonie très catholique dans La Recherche. À l’image symptôme (saint-homme aurait dit Lacan) des vertèbres de tante Léonie aperçues sur son front (et provoquant rires et hurlements chez un bon nombre de lecteurs dont Gide offusqué par la méconnaissance anatomique de Proust) qui font sens sinon signe qu’on y entend tout autre chose.

Je laisse ici la parole à Patrick Mimouni : « Pourquoi ne pas radiographier les vertèbres de la tante Léonie ? Swann explique précisément comment s’y prendre.

C’est quelqu’un de très coincé qui n’a pas osé aller jusqu’au bout du premier mot, c’est-à-dire vert(us). Mais puisqu’il ne devait pas pouvoir s’empêcher de commencer le second, c’est-à-dire hébr(aïques), il aurait mieux fait de dire carrément «vertus hébraïques», plutôt que de dire «vertèbres».

Il suffit de prononcer le e final de «vertèbre» pour y entendre «hébreu». Comment ne pas y songer, s’agissant d’un roman où la famille juive de l’auteur disparaît pour ne plus être évoquée qu’à travers des signes qui, justement, renvoient à un nom imprononçable ?

C’est quoi les «vertus hébraïques» ? Eh bien, celles qui apparaissent du côté droit de l’Arbre de vie selon le Zohar, autrement dit du côté de Méséglise en langue proustienne, du côté de la Miséricorde en langue zoharique : trois séfirot, trois vertus primordiales, l’espérance, la générosité, la sagesse, opposées respectivement, sinon à des vices, en tout cas à des vertus douteuses du côté gauche, c’est-à-dire la raison, le jugement, l’intelligence.

«Elle me tendait son front pâle et fade où les grains aigus des vertèbres transparaissaient.» Autrement dit : «Elle me tendait son front pâle et fade où les grains aigus des vertus hébraïques transparaissaient.»

Comprenez que ces vertus sont si présentes dans l’âme de Léonie qu’on a l’impression qu’elles transpercent son front en l’irradiant, comme des lettres hébraïques se révélant sur la page ridée d’un parchemin pour formuler comme en filigrane le nom imprononçable. Le nom juif, évidemment. » in La Règle du jeu, N°75.

Je rappelle qu’À l’ombre des jeunes filles en fleurs, porté par son narrateur catholique et antisémite (gloire à Proust cœur sagace et prince de la métamorphose) a décroché le prix Goncourt grâce à Léon Daudet, le fondateur de l’académie, anti-dreyfusard et chantre de l’Action Française. Détail amusant : Daudet a formulé dans ses essais une théorie de l’hérédisme, théorie qui décèle l’influence inconsciente des ancêtres et de leurs troubles sur leurs descendants. Ainsi vont Marcel et ma Rebecca nuitant et mutant mes jours où désormais étincellent la Lettre et l’écriture.

Lucien Daudet (le frère de Léon) à Cocteau : « Marcel est génial, mais c’est un insecte atroce, vous le comprendrez un jour ! » Le génie c’est l’insecte, c’est le devenir-animal pour Deleuze lisant Proust.  Ah ! les insectes, le pou, l’anophèle, le criquet, dans le deuxième volume du Pentateuque intitulé Noms ! Proust Araignée et Marcel Papillon !

Revenons au signe. Ainsi du premier lecteur officiel de La Recherche, lecture pour le compte des éditions Fasquelle en 1912, qui s’appelait Jacques… Jacques Madeleine ! Il dira, noyé comme perdu dans l’infusion de thé ou de tilleul de tante Léonie : « Qu’est-ce que tout cela signifie ? Où tout cela veut-il mener ? » Pour ma part, serait-elle maudite ! : à écrire ! (Pour) longtemps, je me suis couché de bonheur sur le papier. Afin d’écrire l’écriture de ma métamorphose. Comment suis-je passé de mon nom d’état civil à mon nom d’écrivain ? De Christian Saint-Germain à Jacques Cauda ! Comme Jacob après sa lutte avec l’ange devint Israël ! Le livre de ma naissance s’intitule Comilédie (éditions Tinbad)Comme il est dit via l’elle de papillon ! Elle, c’est-à-dire l’écriture, ce messie féminisé comme il devient elle dans le Zohar.

Baudelaire conseille de mélanger la madeleine à du café ou à du thé. Ainsi deviendra-t-elle stupéfiante et stupéfiant. À l’instar du datura, cette fleur du mal évoquée plus haut. La madeleine est un trampoline tendu afin de se hausser jusqu’au faîte où culmine la Lettre proprement imprononçable, l’Aleph à l’origine du monde. Là où « L’être qui alors goûtait en lui cette impression la goûtait en ce qu’elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu’elle avait d’extra-temporel, un être qui n’apparaissait que quand, par une de ces identités entre le passé et le présent, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l’essence des choses, c’est-à-dire en dehors du temps. » in Le temps retrouvé. Entre deux, il n’y a-avait-aura de place qu’à l’égarement, c’est-à-dire à l’écriture. La Recherche est Le (nouveau) livre des égarés.

 

J’ai relu La Recherche dans les années 80.

Incise : aujourd’hui personne ne lit Proust, tout le monde le relit, n’est-ce pas. En fait, sec et cru, comme l’écrivait Saint-Simon, dont les portraits ont été comparés aux figures vitriolées dont Léon Daudet a saupoudré ses Souvenirs littéraires, personne ne lit plus rien. Et sans lecture pas d’écrivain…

J’ai relu La Recherche dans les années 80. Dans la même édition que celle achetée à Londres.  Je ferme les yeux, je fais glisser les pages une à une sous mon pouce, voici Rebecca sur ses quatre pattes prête à recevoir mon moi sodomite. (Proust n’emploie jamais ce mot, il lui préfère sodomiste qui renvoie à sioniste.) Ainsi soit-elle !

Voici Rebecca et me voici : je suis assis dans un train qui me conduit jusqu’à Nice. It’s very nice ! Je lis Proust. D’un autre œil, j’ai pris sur moi l’œil sinistre dans lequel je me mire. It’s very Vice ! Dans l’œil droit, je retrouve mes vertus (chrétiennes) dont la figure de la Charité peinte par Giotto.

« L’année où nous mangeâmes tant d’asperges, la fille habituellement chargée de « plumer » était une pauvre créature maladive, dans un état de grossesse déjà assez avancé quand nous arrivâmes à Pâques, et on s’étonnait même que Françoise lui laissât faire tant de courses et de besogne, car elle commençait à porter difficilement devant elle la mystérieuse corbeille, chaque jour plus remplie, dont on devinait sous ses amples sarraus la forme magnifique. Ceux-ci rappelaient les houppelandes qui revêtent certaines des figures symboliques de Giotto dont M. Swann m’avait donné des photographies. C’est lui-même qui nous l’avait fait remarquer et quand il nous demandait des nouvelles de la fille de cuisine il nous disait : « Comment va la Charité de Giotto ? » 

Plus loin, on apprend que Françoise, la gouvernante, s’acharne (ô quel jouir !) à cuisiner des asperges parce que ce légume provoque douleurs, angoisses et tremblements, chez la fille de cuisine qui doit les « plumer ». Au moment de l’accouchement, celle-ci souffre de manière « intolérable », (le feu, l’asperge et le verbe, transforment le voir souffrir en savoir écrire) ; « à cause des cris », la pauvre tante Léonie ne peut pas « reposer ». Dispositif habilement sadien.

Au fil de ma lecture, cette pauvre fille à mes yeux prend le prénom de Justine.  C’est moi qui invente. Le train roule sur Les infortunes de la vertu. Et je rapproche Idée sur le roman de Sade de La Recherche de Proust : « Une fois que ton esquisse est jetée, travaille ardemment à l’étendre, mais sans te resserrer dans les bornes qu’elle paraît d’abord te prescrire, tu deviendrais maigre et froid avec cette méthode ; ce sont des élans que nous voulons de toi, et non pas des règles ; dépasse tes plans, varie-les, augmente-les ; ce n’est qu’en travaillant que les idées viennent. Pourquoi ne veux-tu pas que celle qui te presse quand tu composes, soit aussi bonne que celle dictée par ton esquisse. »

Swann, fauteur de ce ventre fertile selon certains, autrement dit piétineur sadien du chétif, est le signe (puisqu’il est le cygne) de ce glissement progressif du plaisir que prend Proust à écrire si bien le mal. « Dans le monde, écrit-il, les victimes sont si lâches qu’on ne peut pas en vouloir longtemps aux bourreaux ».

Proust emprunte le même chemin que celui déjà fortement balisé par Sade. Tous deux s’opposent à la pensée kantienne pour qui le mal est hétéronome à la raison.

Chez Sade comme chez Proust l’homme est un être isolé, qui ne peut sortir de soi sinon pour regarder la mort briller au soleil noir de l’écriture.

Le jour s’enténèbre à mesure que le temps se transforme en ombremort, c’est-à-dire se retrouve en vie éternelle dont l’ombremort est la mimesis. Et voici l’art ! L’Art à la « vitesse de l’ombre, grâce à laquelle nous pouvons atteindre des horizons insoupçonnés et qui pourrait bien être ordonnatrice des plus troublants gestes d’amour », Annie Le Brun, La Vitesse de l’ombre.

Proust : « Il n’y a aucune raison dans nos conditions de vie à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l’artiste athée à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers. »

Chez Proust, l’idée (empruntée à Bergson) de l’intérieur des choses est obtenue en vertu de l’expérience du corps destiné à pourrir. Éprouver son intérieur amplifie ainsi son corps autre, celui au devenir glorieux, écrit pour l’éternité, au sein de la totalité des images qui composent La Recherche, et ce, par-delà les vertus et les vices, par-delà le bien et le mal.

 

Extrait de À sauts et à gambades, éditions Ardavena

 

 

 

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