Surfiguration

Le piéton de Paris.

Mardi 25 juin, 9h

Rue de Bagnolet, Paris XX. J’ai rdv chez un de mes médecins, place de la Bastille. Faim d’un pain au chocolat. Dans la boulangerie, devant moi, les effets de la chaleur ont conduit une jeune femme à sortir nue en chemise, comme l’écrivait Sévigné, elle est vêtue d’un boxer en soie transparente et d’un soutien-gorge blanc. Rien d’autre. Des talons qui la perchent très haut et un rouge à lèvres qui se tourne vers moi qui viens de lui susurrer un bonjour à l’oreille.  J’attendais une gifle, une insulte inclusiv.e, une menace de scalp, etc… Non, elle me sourit, me regarde (des yeux bleu-turquin !) m’écoute dire que je suis le nouveau Watteau.

-      Watteau à vapeur ?

-      Proust !

-      C’est ma thèse ! dit-elle

-      Ma peinture a besoin de vous. 

-      Promis .

Elle viendra à l’atelier. Je la suis du regard quand elle sort. Nuages, roses et parfums. Embarquement pour Cythère. 

Bus 76. Plein de bambins, sept ou huit avec leurs accompagnateurs. Sept ou huit aussi, vêtus de gilets de secouriste, jaune fluo, et munis de kits canicule géants, de l’eau en packs et en vaporisateurs. Ils arrosent, abreuvent, distillent, debout ou accroupis dans l’allée centrale, au chevet des enfants vite trempés, noyés. Versailles. Mais Versailles sans la grâce, à l’évidence. Je dis :

-      Un V2 est en route ? Un attentat en préparation ?

En retour, je vois la haine. Je suis fiché vieux con qui vote Le Pen, qui lit Céline et Nabe, ou pire, qui couche avec des arabes, un daech en liberté, tueur d’enfants !

Je hausse un premier sourcil. Et le second, quand une petite fille trop pleine vomit toute sa flotte et son petit déj’ sur le monsieur qui lui fait face ! Versailles bis. Avec l’odeur en sus. Affolement général ! Ruée vers l’ordure ! Etc…

Je détourne les yeux !

Je regarde la ville.

Ce qu’il en reste. La Morue de Paris, la maire Ubu, est à l’œuvre. Paris se défigure peu à peu. A longueur de travaux inutiles. La place de la Bastille où je descends est en ruine. Je ferme les yeux et je la vois au futur, couverte de veaux, touristes avachis et parigots têtes d’écolos qui engloutissent des tonnes de merde que leur servent les gargotiers qui ont planté leurs tables en fleurs sur toute la place ! Vive la mort !

A suivre…