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jacques cauda
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12 juillet 2007

Au centre du milieu d'auTour

Extrait de Au centre du milieu d'auTour, roman, Le manuscrit, Paris 2006: En pliant, malgré moi, samedi matin, ma chronique à l’exercice à la fois banal et peu banal de la chose vue, j’ignorais combien les coureurs, au cours de la terrible étape Chambéry/ Les Arcs, en agiraient de même quelques heurs plus tard. J’ignorais que Miguel Indurain, dans les derniers kilomètres d’ascension, n’allait plus voir qu’un bidon se confondre à une chose aux allures d’oasis en plein milieu du désert, un rêve éveillé pour une carcasse affolée qui n’en pouvait souffle. J’ignorais que Luc Leblanc, vainqueur ineffable de cette étape, après avoir passé les jours précédents par les chutes, les eaux et les airs, les ardeurs et les craintes des nuits sans sommeil, tel un époux de cantique spirituel, ne verrait que les montagnes, les îles inouïes, les rivières sonores d’applaudissements et le sifflements des vents enamourés. J’ignorais que Laurent Jalabert, qui lui, la veille (le vendredi) à l’inverse de Luc Leblanc, n’avait pas manqué sa journée, grappillant ça et là quelques précieuses secondes pour courir dimanche après-midi le contre-la-montre derrière Miguel Indurain, ne verrait rien d’autre que sa main crispée sur le guidon et l’épée du doute ronger ses cils et fouiller ses yeux douloureux d’imaginer tous les autres coureurs irrémédiablement carapatés devant lui tracer son destin, un peu comme s’il reconnaissait, kilomètre après kilomètre, les quatre coups brefs que frappe Meursault à la porte du malheur. J’ignorais qu’Alex Zülle (ainsi que Bruynel qui lui aussi chuta dans le ravin) en détruisant son équilibre par deux fois, ne verrait plus qu’un espace sans objet et sans autre objet que lui-même : « je me cherche » trois mots aussi lapidaires qu’un fragment d’Héraclite et pareillement énigmatiques à l’homme qui est ce que de lui-même demeure inconnu. J’ignorais que Tony Rominger, dont personne ne vit dans le vélo, peut-être incongru, qu’il se devait d’enfourcher le lendemain dimanche pour en débattre contre la montre, la réponse à ce que lui avait vu ce jour-là. Il avait vu que le coureur était, aux hommes les plus spirituels, ce que la Pendule Planétaire de Huygens est à une Montre de Julien le Roi. Et ce, avec une pertinence inouïe, dans la descente du Cormet de Roseland, où l’Horloge Rominger, littéralement confondue à sa machine, s’avalant l’une l’autre sans plus aucune distinction, se vit tout à la fois pignon, plateau, potence, papillon, moyeu, etc... Quant aux hommes heureux du jour, Berzin et Olano, tous les deux classés premiers ex-aequo au général (seulement départagés par quelques centièmes de seconde obtenus à l’avantage de Berzin sur Olano lors du prologue) j’ignore tout de ce qu’ils purent voir. Quelles choses ? Quelles joies ? Quelles craintes ? Quels bonheurs ? Quels tremblements passés devant leurs yeux ? Peut-être un arc-en-ciel ou toute en vie jaune ? Qui sait ?
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